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Décès de Jacques CHANTRE
Notre compagnon Jacques CHANTRE est décédé le jeudi 10 février 2022 à Nérac. Il y était né, il y a un peu plus de cent ans, le 28 octobre 1921 !
Fils de Joseph Chantre, facteur, il était aussi le neveu de Pierre Chantre, cheminot responsable syndical CGT et a grandi dans une famille communiste.
Très tôt, avec le journal « Avant-Garde », il découvre l’existence des camps de concentration ouverts dès 1933 dans l’Allemagne nazie et il milite aux Jeunesses Communistes.
Pour son premier poste d’instituteur en 1942, il est nommé à Durance, à quelques kilomètres de Nérac.
Il rejoint le parti communiste clandestin quand celui-ci est interdit par le gouvernement de Vichy. Le professeur originaire de Feugarolles, André DUVERGER, qui deviendra responsable des MUR (Mouvements Unis de la Résistance, regroupant « Combat », « Franc-Tireur » et « Libération Sud ») avant d’être pris, torturé puis assassiné, lui fait passer des tracts à distribuer.
Au cours d’un stage à Toulouse en 1943, il refuse de se rendre à la manifestation obligatoire devant la statue de Jeanne d’Arc, organisée par les autorités de Vichy, dans le cadre de la commémoration de la fête du travail, le 1er mai. Il sabote aussi le mât où doit être hissé le drapeau dans la cour de récréation…
En juillet 1943, il rentre dans la clandestinité afin d’échapper aux Chantiers de jeunesse. Il est pris en charge par les communistes de Nérac, dont Andrieu, électricien à l’usine de bouchons, et son oncle, Pierre.
Il participe alors aux activités des réseaux du Front national et des maquis FTP en formation, près de Frespech et de Laroque-Timbaut. Il est impliqué directement dans des actions armées et des actes de sabotage organisées par le Commandant « Arthur », André Delacourtie de Toulouse (récupérations de tickets d’alimentation, sabotage de voies ferrées près de Lusignan).
En octobre 1943, le lendemain d’une opération, il est arrêté avec son camarade Lafaysse par des gendarmes au cours d’un contrôle sur le pont de Lamagistère.
Transféré à la prison d’Agen, il est condamné avec son camarade à 7 ans de réclusion. Il est incarcéré à la centrale d’Eysses, où il participe à la tentative d’évasion des détenus de février 1944 qui se déroule dans la Centrale. Il y aura 13 fusillés.
Les 1 200 révoltés dont lui-même, sont déportés. Il est envoyé au camp de concentration d’Allach, qui est un Kommando du camp de Dachau, en Allemagne. Il doit travailler à la vérification des pièces dans l’usine BMW qui fabrique des moteurs d’avions et de tanks.
Dans le camp, il continue le combat, récupérant, avec le préfet Lecène, auprès de chaque déporté français une cuillère de soupe, et un morceau de pain pour la solidarité avec les plus malades, ou les « punis ». Un acte qui permet parfois à de plus faibles de survivre malgré la faim, l’épuisement, les maladies et le désespoir qui finit par gagner les caractères les plus trempés.
Le camp est libéré par les Américains fin avril 1945 et Jacques Chantre peut entamer le long voyage de retour qui le ramènera chez lui le 2 juin.
Il continue son combat politique avec le Parti Communiste. Ainsi, en 1950, il proteste lors de l’arrestation d’un camarade espagnol et de sa femme à l'occasion de l’« opération Boléro-Paprika » (arrestation de résistants espagnols et d'Europe de l'Est qui avaient combattu pour la libération de la France). Il est suspendu de l’Éducation Nationale puis déplacé.
C'est ensuite la guerre de Corée et les manifestations contre la venue en France du général américain Matthew Ridgway en 1952, le Comité de la Paix lors de la crise de Cuba en 1962, les manifestations en faveur de l’indépendance de l’Algérie, le soutien à la grande grève des mineurs, la luttes contre le réarmement de l’Allemagne, les manifestations pour le prix du lait et du tabac, 1968, et puis l’élaboration du Programme Commun, l’engagement dans la municipalité d’union à Nérac et tous les combats militants avec l’« Huma Dimanche », la lecture et l’étude quotidienne des textes marxistes, journaux, revues et l’« Huma » (sans oublier « Pif » créé par Arnal, ancien déporté de Mauthausen).
Militant au SNI, puis au SNUI-PP, mais aussi à la CGT, à l’ANACR, à l’Association des Anciens d’Eysses, à la FNDIRP, à l’AFMD, à l’Amicale de Dachau, au Mouvement de la Paix, à l’ARAC, au Secours Populaire… et, jusqu’au bout, à son Parti, le Parti Communiste et aux Amis de l’« Huma ». En 2010, Jean MATIFAS lui remet les insignes d'officier de la Légion d’Honneur…
« Il n’y a pas de chemin tout tracé, le chemin se trace en marchant », écrit Antonio Machado.
Jacques Chantre avec ses camarades a contribué de toutes ses forces à tracer ce chemin, mettant la bataille pour la justice sociale au-dessus de toutes les valeurs. Rien de ce qui est humain ne lui était étranger.
Il avait été nommé chevalier de la Légion d'honneur par décret du 13 juillet 1991 et promu officier de la Légion d'honneur par décret du 27 avril 2010.